Une semaine s'était écoulée depuis la soirée passée au Quantum of Solace. Dès le lendemain, l’épouse de l’homme à qui Hébé avait rendu la vue passait quasi tous les jours au centre pour la remercier. Elle avait beau lui dire cent fois que ce n'était rien, que c'était normal de réparer les erreurs et les conséquences de ses pairs, que c'était un peu de leur faute également ; l'humaine continuait son rituel de reconnaissance. Bien sûr, elle était touchée et heureuse d’avoir pu aider et réconcilier ce couple de jeunes mariés avant qu’ils se divisent, mais elle n’en demandait pas tant.

Tout naturellement, Hébé continuait d’aider et soigner qui en avait besoin. Le dernier en date qu’elle venait tout juste de guérir était entré dans leur centre sport & santé dans tous ses états, les jambes et bras en sang. Totalement affolé, le pauvre homme avait couru jusqu’à en perdre haleine et sans savoir où il allait. La bonne providence ou le destin le mena jusqu’ici. N’étant pas passé inaperçu, Hébé le prit immédiatement en charge. Tandis qu’elle le soignait, elle l’écouta attentivement. Il avait besoin de parlé et elle comprenait pourquoi. Etre poursuivi par une tondeuse folle alors qu’on tondait tranquillement la pelouse de son jardin, il y avait de quoi être sous le choc. « L’œuvre du Diable je vous dis ! » Pas tout à fait. Probablement un démon de la peur qui a voulu s’amuser en engendrant une frayeur à ce pauvre vieil homme qui n’était pas passé loin de la crise de nerf ou d’un arrêt cardiaque entre la peur et la course poursuite. Quelle idée saugrenue d’agresser un homme avec une tondeuse ! Il n’y avait qu’eux pour avoir de telles idées.

Hébé passa quasiment toute l’après-midi à soigner et surtout à écouter et discuter avec Pierre. Pour le rassurer davantage, Héraclès proposa de le raccompagner jusqu’à chez lui et de jeter un coup d’œil à la diabolique tondeuse. Puis faire un tour de sa maison ne ferrait pas de mal. Hébé laissa donc son mari prendre la suite. Elle rangea et nettoya le centre avant de le fermer et de prendre la direction de son chez soi. Le soleil débutait doucement son déclin, mais alors qu’Hébé tournait à l’angle de la rue, la désagréable sensation d’être suivie se fit sentir. Cela faisait depuis plus de trois mois qu’elle n’avait plus eu cette impression, mais Hébé ne se trompait pas. Depuis deux jours, ça arrivait de nouveau. Un regard sur elle qu’elle n’arrivait pas à apercevoir mais dont elle reconnaissait clairement la présence d’un être surnaturel dans les parages. Mais lequel ? Encore des anges ? Elle pensait qu’ils avaient arrêté de la surveiller. Qu’ils avaient compris. Il fallait qu’elle en ait le cœur net. Au prochain carrefour, Hébé décida de faire un détour. Elle rentrerait plus tard chez elle ce soir. Hébé n'avait aucune envie de montrer le chemin jusqu'à chez elle, malgré que si elle était suivie depuis plusieurs jours, cette personne devait potentiellement déjà connaître son adresse…

L’église gothique du Maine ne se trouvait qu'à quelques rues de son lieu de travail. Elle se dit que ce serait un bon lieu de rencontre, parce qu'elle resterait sur le terrain des dieux en restant dans le quatorzième arrondissement et dans le quartier Montparnasse qu’elle connaissait très bien. Puis s’il s'agissait d'un démon, l'église ne lui plairait guère et si c'était un ange, ce dernier se sentira plus en confiance. Sans hésitation, Hébé entra à l’intérieur. Lieu de culte déserté des humains, la Jeunesse foula la végétation qui avait prit possession des lieux. L’écho de ses pas cessa au cœur du bâtiment, la déesse se retourna et entraperçu les pointes rousses d’une chevelure familière. Un doux sourire illumina son visage, malgré le risque de se retrouver seule en cette charmante compagnie…

Je partirais et tu ne me reverras plus, sauf si tu le souhaites.
Dégage.

« C’est un plaisir de te revoir même si le plaisir n'est pas partagé si je me souviens bien de notre dernière discussion. Mais si tu as souhaité nos retrouvailles, c’est que tu dois avoir une bonne raison, Azraël… »

« Souhaiter est un bien grand mot. »

Vraiment ? Pourtant c’était bien elle qui la suivait, qui voulait sans doute lui parler. Hébé n’avait fait que déclencher plus rapidement cette rencontre qu’Azraël avait rendu inévitable. Pourquoi était-ce elle qui venait à son encontre et non un de ses congénères ? D’une certaine façon elle voulait s’occuper de cette tâche. Azraël devait encore se méfier d’elle et ne pas avoir confiance. Hébé avait espéré que la surveiller des mois plus tôt lui aurait permis un peu de prouver son honnêteté et sa bonté… M’enfin, le premier pas été fait. C’était mieux que rien et l’ange avait l’air bien plus calme et apaisé qu’à leur dernière rencontre ; logique quand on se souvient des circonstances passées.

« Je cherchais à comprendre à quoi vous jouiez. »

Un air interrogatif se dessina sur son visage d’innocence. Vous ? A qui faisait-elle référence ? Aux dieux en général ou à son couple ? Faisait-elle une nouvelle fois l’erreur de tous les mettre dans le même panier ? Un soupir s’échappa de ses lèvres qui ne perdaient pas le sourire. Il était bien compliqué de suivre leur communauté, tant ils étaient nombreux, chacun avec ses objectifs et ses pensées profondes bien difficiles à cerner.

« A aucun jeu, si tu m’inclus dans ton vous. Ne compte pas sur moi pour te révéler la volonté des dieux, je ne les connais pas moi-même. Uniquement la mienne et celle de mes proches. »

Et encore… J’ignore totalement ce que père a en tête.

Hébé fit quelques pas en direction de ce qui restait d’un banc d’église pour y poser ses affaires. Ne percevant aucun signe avant coureur de colère de la part d’Azraël, la Jeunesse en conclue qu’elles n’allaient pas se confronter, mais qu’elles allaient sans doute rester ici un petit moment alors autant se mettre à l’aise.

« Si tu cherches des réponses à tes interrogations, il va falloir être plus précise. A quoi fais-tu référence ? Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? Aurais-tu vu ou entendu quelque chose de déplaisant, de suspect ou d’incompréhensible à ton entendement ? Qu’est-ce que tu veux savoir, chère Ange de la Mort ? »

La Jeunesse prononça ces derniers mots en regardant Azraël droit dans les yeux. Aucune provocation ne s’entendait dans sa voix, juste une certaine curiosité honnête, de l’intensité dans son regard et ce charisme caractéristique des dieux qui ressortait en elle.